Samedi 3 janvier 2015 - L’un des principaux éléments qui constitueront, à moyen terme, le nouveau paradigme économique mondial, sera celui d’une coopération entre Etats-nations souverains pour le déploiement efficace de contrôles des change et des capitaux.
L’objectif de ce dispositif sera de contrer la spéculation financière (qui est souvent, comme le décrit ci-dessous l’ancien premier Ministre malais le Dr Mahathir bin Mohamad, utilisée comme instrument de guerre contre les États souverains) et de créer les conditions pour l’investissement à long terme dans l’économie réelle.
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Les récentes tentatives des intérêts financiers anglo-américano-saoudiens pour faire plier la Russie ont provoqué dans ce pays, mais également un peu partout dans le monde, une dynamique mondiale en faveur des contrôles des changes et des flux de capitaux. [1] En voici les principales manifestations :
La Biélorussie, membre avec la Russie de l’Union douanière eurasienne, a décidé d’imposer le 16 décembre un contrôle des changes. La banque centrale russe a annoncé l’obligation de déposer auprès de ses services 50 % de toutes les transactions sur les devises étrangères, ainsi qu’un taux d’intérêt de 50 % sur toutes les ventes de liquidités. Etant donné son étroite relation avec la Russie, il possible qu’il s’agisse ici d’un essai avant l’adoption de mesures similaires par le président russe Vladimir Poutine. Dans une déclaration faite il y a deux semaines, l’économiste américain Lyndon LaRouche avait appelé le président russe à mettre en place le contrôle des changes et des capitaux, inspirés de ceux qui avaient été adoptés par le premier Ministre malais Mahathir en 1998, lorsque le pays faisait l’objet d’attaques des fonds spéculatifs anglo-américains, en particulier celui du requin financier George Soros.
Le Nigeria, un producteur de pétrole majeur sur la scène mondiale, a décidé d’imposer le 18 décembre des contrôles sur les changes pour endiguer la baisse du cours de sa monnaie, le naira, en raison de la chute des prix du pétrole. Selon le Wall Street Journal, la banque centrale a suspendu les dépôts au jour le jour pour les fonds associés aux transactions sur les changes, empêchant les transactions en dehors des heures d’ouverture des marchés et la prise de position contre une seule devise à la fermeture d’une session.
La Banque centrale du Kirghizistan a annoncé le 18 décembre qu’elle considérait la possibilité de fermer les comptoirs privés de transactions sur les changes, afin de contrer ce qu’elle a décrit comme « des attaques spéculatives contre la devise nationale ». La devise kirghize a perdu 11 % de sa valeur contre le dollar américain depuis le mois d’août.
Le quotidien Hindu Business Line, de Chennai en Inde, a publié le 19 décembre un éditorial appelant à la mise en place de contrôles des capitaux en Inde. La roupie a augmenté lentement au cours des 12-18 derniers mois et montre des signes de fragilité, après des entrées de capitaux de l’ordre de 40 milliards de dollars dans le pays, au cours de la même période, et l’auteur prévient du risque de renversement des flux. Il fait remarquer que si la campagne « make in India » lancée récemment par le premier Ministre Modi devait réussir, il faudrait que le taux de change soit stable, car « la volatilité de la monnaie ne peut pas favoriser l’activité manufacturière. Les ’’tigres de l’Est de l’Asie’’ ont construit les fondements de leur activité manufacturière en s’appuyant sur un régime de devise stable. L’utilité des influx de capitaux est exagérée » et conduit à des effets pervers, comme « l’éviction de capitaux domestiques au profit de capitaux étrangers ». « Il est temps que nous cessions d’être à la merci des flux financiers mondiaux », conclut l’auteur de l’éditorial.
Suite à la tentative du gouvernement Obama d’éliminer, dans le cadre de son projet de Partenariat trans-Pacifique (TPP), la possibilité pour l’État d’établir des contrôles des capitaux, trois sénateurs américains, Elizabeth Warren, Tammy Baldwin, et Edward Markey, ont écrit une lettre ouverte au Représentant américain pour le commerce, Michael Froman. Ils écrivent : « Nous nous opposons également à l’inclusion de dispositions dans le TPP qui limiteraient la capacité du gouvernement à utiliser des contrôles sur les flux de capitaux. Le FMI et des économistes de premier plan ont endossé les contrôles sur les flux de capitaux comme instrument légitime pour la prévention et la mitigation des crises financières. »
Mahathir : « si les politiques sont dictées par les investisseurs étrangers, où est l’indépendance ? »Extraits de l’entretien accordé à la revue Executive Intelligence Review par le premier Ministre malais Dr Mahathir bin Mohamad, le 22 janvier 1999, quelques mois après la « crise asiatique » qui a secoué de nombreux pays de l’Asie de l’Est. |
Source : Solidarité & Progrès
[1] Ceux-ci feront partie d’un dispositif global qui sera complété, à part la grande politique d’investissement dans l’infrastructure et dans la recherche scientifique déjà amorcée par les BRICS, par : des mesures protectionnistes (tarification douanière) négociées entre Etats souverains pour assurer un développement équilibré entre les pays et entre les diverses classes sociales au sein d’un même pays ; reprise en main par les Etats de l’émission monétaire, grâce à un système de crédit productif public.