Par Karel Vereycken
A l’origine de la plupart des propositions visant à sauver la « stabilité financière » comprenant la procédure inquiétante de bail-in, on retrouve, via le Conseil de stabilité financière, la Banque des règlements internationaux (BRI). |
La genèse de la BRI remonte à la fin de la Première guerre mondiale, lorsque l’Allemagne est astreinte à de lourdes « réparations » de guerre. Le montant final, fixé après la signature du traité de Versailles en 1921, représente, en dehors des paiements en nature (charbon, minerais de fer, etc.), 269 milliards de mark-or, une somme supérieure au revenu annuel allemand de l’époque ! Il s’agit de payer les pays vainqueurs de la guerre, qui se sont eux-mêmes lourdement endettés auprès des banques privées de la City de Londres et de Wall Street.
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John Pierpont « Jack » Morgan Jr., qui hérita en 1913 de l’énorme fortune de son père John Pierpont Morgan (fondateur de la banque J.P. Morgan), le « Napoléon de Wall Street », avait accordé à lui seul 12 millions de dollars à la Russie et 50 millions de dollars à la France en prêt. Il mit sur pied un groupement de 2200 banques qui accordèrent un prêt de 500 millions de dollars aux alliés.
A cela s’ajoute le fait que toutes les munitions achetées par la Grande Bretagne aux Etats-Unis furent fournies via l’une des sociétés de JP Morgan. Pour pouvoir honorer eux-mêmes leur dette auprès des banquiers anglo-américains, les pays alliés fantasmaient sur les montants qu’ils espéraient extorquer aux Allemands. Interrogé sur les difficultés de la reconstruction en France, Clemenceau répondra : « L’Allemagne paiera ! »
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Face au refus de l’Allemagne de livrer des richesses tangibles, en France, le Président du Conseil Raymond Poincaré, en accord avec le roi des Belges, prit la décision d’envahir le 11 janvier 1923 la Ruhr, pour confisquer la production de charbon, de fer et d’acier, afin d’obtenir les montants dus par l’Allemagne. Cette politique encouragea encore un peu plus l’Allemagne à faire marcher sa planche à billets, provoquant la fameuse hyperinflation de 1923.
En quelques mois, le prix d’un simple timbre poste explosa pour atteindre plusieurs milliards de marks. Inversement, des millions d’Allemands virent leur épargne fondre comme neige au soleil. C’était l’effondrement de la République de Weimar. Le 8 novembre, Hitler et Luddendorf tentèrent le « putsch de la Brasserie » à Munich. D’autres envisageaient d’imiter la révolution bolchévique.
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En réalité, tout défaut sur la dette allemande aurait immédiatement provoqué des défauts dans les pays alliés et une série de faillites en chaîne. Comme en 2008, il fallait donc intervenir en renflouant le système. L’Allemagne, deuxième partenaire de l’Angleterre, était tout simplement, comme les banques françaises aujourd’hui, too big to fail.
Les Alliés ont alors formé en 1924 un comité de dix banquiers de cinq pays sous la direction du directeur du budget américain Charles G. Dawes. Ancien PDG de General Electric, Dawes était un banquier républicain qui devait l’essentiel de sa carrière à Morgan. Il sera assisté par un autre banquier proche de Morgan, Owen D. Young. Chacun donnera son nom à un plan de sauvetage de l’économie allemande.
Le « plan Dawes » mis au point par le comité et signé à Londres en 1924 prévoiyait plusieurs actions :
1. Retrait immédiat des troupes française et belges ;
2. Réduction la première année des annuités à payer pour l’Allemagne. Elles augmenteront progressivement les années suivantes ;
3. La Reichsbank (banque centrale allemande) serait réformée sous la direction des alliés. Ces derniers exigeaient que l’on nomme le Dr. Hjalmar Schacht, un cadre de la banque Dresdner et fondateur du parti libéral. Schacht était en bon rapport avec les financiers américains et britanniques. Lors d’un déplacement professionnel en 1905, Schacht avait pu s’entretenir directement avec John P. Morgan père ainsi qu’avec le Président Theodore Roosevelt. Le secret de Schacht, présenté généralement comme un « grand sorcier de la finance », n’était pas sa science économique, mais son culot, son carnet d’adresse et une créativité comptable hors pair. Pour mettre fin à l’hyperinflation, Schacht, à la tête de la Reichsbank, lança le rentenmark, une devise garantie par des biens immobiliers. Admiratif de Schacht, Keynes qualifiait l’introduction de cette nouvelle monnaie de « miracle » ;
4. Assuré d’avoir la haute main sur la situation, un cartel de banques américaines dirigé par Morgan accorderait un prêt de 800 millions de dollars à la Reichsbank.
Aujourd’hui, au moins sur le papier, le schéma du plan Dawes paraît bien plus intelligent que tout ce qui a été proposé jusqu’ici par la Troïka pour les pays en difficulté de la zone euro. L’argent prêté par les banques américaines devait s’investir dans une relance économique de l’Allemagne (industrie, infrastructures, etc.). Grâce à un revenu fiscal accru grâce à des taxes sur le transport et les exportations, l’Allemagne paierait les réparations de guerre à la France et aux alliés. Ces derniers utiliseraient ce revenu pour acheter des biens aux Etats-Unis et rembourseraient leurs propres dettes aux banques anglo-américaines….
En réalité, l’argent alla surtout à des clients choisis pour qui l’Allemagne d’après 1923 était un eldorado. Une partie des prêts fut allouée par Schacht à la création de cartels industriels supranationaux, dont le cartel chimique IG Farben, fondé en 1926 et partenaire du cartel pétrolier Standard Oil de la famille Rockefeller (également à l’origine de la Chase Manhattan Bank), sera une caricature.
Socialement, le plan Dawes imposa également des restructurations et des licenciements massifs dans les services publics. Au mieux, à très court terme, le plan Dawes donna une bouffée d’oxygène à l’économie allemande et Dawes se vit même attribuer le prix Nobel en 1925.
Si l’Allemagne commençait à rembourser une partie de sa dette, tout le monde savait que les montants à payer restaient totalement irréalistes. Le plan Dawes se montra rapidement inopérant et, dès 1928, les Alliés décidèrent d’élaborer un nouveau plan de sauvetage sous la direction de Owen D. Young, lui aussi un banquier proche de Morgan.
Les discussions s’ouvrirent en février 1929 à l’Hôtel George V à Paris. Schacht, qui y représentait l’Allemagne, raconte dans son autobiographie que les Etats-Unis y étaient représentés par Owen Young et John Pierpont Morgan en personne !
C’était certes le plus grand créancier des alliés. Les négociations allaient bon train jusqu’en octobre 1929, quand le krach de Wall Street vint brouiller les cartes. Finie toute idée de pouvoir exporter en masse des biens européens vers le marché américain. Les banques américaines, dont Morgan, subirent des pertes énormes sur les marchés et cherchèrent à rapatrier au plus vite leurs capitaux aux Etats-Unis. Toute clémence à l’égard de l’Allemagne fut abandonnée, laquelle fut sommée de payer en cash au plus vite. Entre 1929 et 1932, le chômage passa de 1,5 à 6 millions de personnes.
Selon ce qu’affirme Schacht dans son autobiographie, c’est lui qui convainquit Young que le succès de son plan ne serait total que si l’on confiait à l’avenir les négociations sur les réparations de guerre à un organisme d’experts indépendants disposant d’un statut d’immunité totale et hors d’atteinte de tout contrôle parlementaire : la Banque des règlements internationaux (BRI).
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Comme le laisse penser la photo accrochée dans le bureau du Président actuel de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, montrant une rencontre en 1927 à New York des banquiers centraux Hjalmar Schacht (Allemagne), Benjamin Strong (Etats-Unis), Mantagu Norman (Angleterre) et Charles Rist (France), une forte synergie semblait déjà dominer leurs relations.
En tout cas, la Charte constitutive de la BRI (voir Annexe 1) dissipe tout doute sur sa véritable nature : il s’agissait pour les créanciers (Morgan et compagnie) de désigner un liquidateur (un syndic de banques centrales constitué sous la forme de la BRI) chargé de faire honorer les créances d’une dette de guerre impayable.
Bien qu’elle se présente comme « la banque centrale des banques centrales », la BRI, à la demande de Schacht, fut constituée comme une banque privée (société anonyme par actions de droit suisse). Elle disposait d’une cagnotte confortable et prélevait une petite somme sur chaque transaction.
D’après l’Article 3 de ses statuts (mis à jour en 2005), « la Banque a pour objet : de favoriser la coopération des banques centrales et de fournir des facilités additionnelles pour les opérations financières internationales ; et d’agir comme mandataire (trustee) ou comme agent en ce qui concerne les règlements internationaux qui lui sont confiés en vertu d’accords passés avec les parties intéressées ».
Pour accomplir au mieux cette tâche délicate, la BRI, qui n’a de compte à rendre à aucun Parlement et à aucune législation, s’accorde, par un accord spécifique entre le Conseil fédéral suisse et la BRI, un statut d’immunité juridique et diplomatique absolue. La banque et ses fonctionnaires sont exonérés de tout impôt. Par son statut particulier, la BRI sera un des premiers paradis fiscaux du monde facilitant le blanchiment d’argent. Preuve qu’il s’agisse d’un Etat dans l’Etat, nul agent de l’autorité publique suisse ne peut pénétrer dans son siège car la Banque y exerce le contrôle et la police de ses locaux.
L’Article 55 des statuts précise :
1) La banque bénéficie de l’immunité de juridiction, sauf : a) dans la mesure où cette immunité a été formellement levée dans des cas individuels par le Président du Conseil, le Directeur général, le Directeur général adjoint ou par leurs représentants dûment autorisés ; (…) |
Si les actionnaires initiaux étaient les banques centrales de six pays (55 en 2013) – celles de la Belgique, de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Italie et du Japon – celles-ci pouvaient vendre leurs actions à leurs clients. Chaque banque disposait de 16 000 actions qu’elle pouvait placer chez ses clients. La Réserve fédérale ne rejoignait pas la BRI. A sa place, trois banques américaines avaient chacune 16 000 actions : JP Morgan, First National Bank of New York et First National Bank of Chicago. Ainsi, dans les années 1930, jusqu’à 30% des actions étaient aux mains d’actionnaires privés, par ailleurs confortablement à l’abri de toute confiscation de leurs avoirs.
L’Article 10 de la Charte constitutive (Annexe 1) précise expressément : « La Banque, ses biens et avoirs, ainsi que les dépôts ou autres fonds qui lui seront confiés, ne pourront faire, ni en temps de paix, ni en temps de guerre, l’objet d’aucune mesure telle que expropriation, réquisition, saisie, confiscation, défense ou restriction d’exporter ou d’importer de l’or ou des devises ou de toute autre mesure analogue. »
Avec le recul, pour tous ceux qui ont étudié l’économie nazie, deux passages prennent ici une importance singulière : « ni en temps de paix, ni en temps de guerre » et « exporter ou importer de l’or »….
La BRI, par sa nature, donnera un pouvoir exorbitant aux banquiers centraux à la tête de banques centrales dites « indépendantes », c’est-à-dire gérées par des intérêts privés. L’historien américain Carroll Quigley, dans Tragedy and Hope (MacMillan, 1966), affirme que :
« la puissance du capitalisme financier avait un autre plan, celui de créer rien de moins qu’un système mondial de contrôle financier aux mains du privé capable de dominer le système politique de chaque pays et l’économie mondiale comme un tout. Le système serait contrôlé de façon féodale par les banques centrales du monde agissant de concert, grâce à des accords secrets obtenus lors de réunions et conférences fréquentes. |
Lors de la conférence à la Haye aux Pays-Bas en janvier 1930, le plan Young fut adopté. L’Allemagne, mise sous tutelle, obtint une forte réduction de sa dette envers les alliés et des délais de paiement. Elle n’était plus « que » de 112 milliards de marks or (équivalent de 107 milliards de dollars en 2013 !) et payable sur 59 ans (jusqu’en 1988), c’est-à-dire sur trois générations ! (Voir Annexe 2 : Comment, à partir d’une dette, fabriquer une guerre)
Mais la créativité de JP Morgan et Schacht ne connaissait pas de limites. Les annuités de remboursement, désormais versées non pas en marks, mais en devises et fixées par un échéancier précis, devaient désormais servir d’instruments d’émission obligataire. Pour gérer la dette et placer les obligations allemandes, la BRI, qui reprenait les fonctions remplies jusqu’alors par l’Agent général en charge des réparations de guerre à Berlin, était l’intermédiaire incontournable. L’émission de ces obligations était une garantie supplémentaire de paiement ponctuel, car toute suspension du service des titres ainsi émis porterait une atteinte directe au crédit de l’Allemagne.
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Schacht, qui savait que suite au crash boursier de 29 le plan Young était condamné à l’échec et allait provoquer l’ire de la population allemande, donna d’abord son agrément, puis démissionna tout en dénonçant immédiatement le plan qualifié par Hitler de « diktat de Versailles ». Le plan Young était si répugnant qu’il poussa de nombreux Allemands dans les bras du parti national-socialiste.
Après les élections de 1932, où le NSDAP raflait plus du tiers des sièges au Parlement, Schacht organisa un appel signé par les grands dirigeants industriels demandant au président Hindenburg de nommer Hitler chancelier. Cela fait, Hitler nomma Schacht le 17 mars 1933 à la tête de la Reichsbank. Schacht jugea peu efficace les ratonnades commises par les nazis « de base » et proposa à Hitler des méthodes « plus efficaces » pour valoriser leurs biens.
Tout comme le Plan Dawes, le plan Young échoua rapidement, et Hitler cessa de payer les réparations de guerre tout en utilisant la BRI pour la vaste palette de facilités qu’elle offrait. Owen Young tenta alors de nouveau sa chance en se présentant en 1932 à l’investiture présidentielle démocrate contre Franklin Roosevelt ; en vain. Depuis lors, le rôle de la BRI consiste officiellement à servir de simple lieu privilégié permettant aux banquiers centraux de se parler à intervalles réguliers lors de rencontres organisées à Bâle.
Le siège de la BRI, le bunker d’un gouvernement mondial
En 1930, en attendant de disposer de vrais bureaux, les banquiers centraux se donnaient rendez-vous à l’Hôtel Savoie-Univers (Aujourd’hui nommé Hôtel Euler), juste en face de la gare de Bâle.
Depuis 1977, dans un souci de transparence, une tour de dix-huit étages accueille les hôtes prestigieux de la BRI. D’après Edward Jay Epstein, l’un des rares journalistes à avoir pénétré les lieux, le bâtiment dispose d’un abri anti-atomique, de plus de trente kilomètres d’archives souterraines et d’un triple système anti-incendie pour éviter toute visite inopportune des pompiers. |
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En 1934, Schacht fera une grande démonstration de sorcellerie financière en revigorant une vieille technique éprouvée lors de la Révolution française. Sur la base des ventes futures des biens de l’église qu’ils avaient confisqués, les révolutionnaires français paient leurs prestataires avec des titres appelés « Assignats ». Garantis par l’Etat, les prestataires pouvaient s’en servir à leur tour pour régler des dépenses. Lorsqu’il devint clair qu’il ne s’agissait que de promesses, la pyramide des assignats s’effondra.
Pour sa part, la Reichsbank sous Schacht, avec le ministère de la Défense et les quatre plus grands producteurs d’armement, monta une société écran, le Metal Forschungsinstitut Gmbh (MEFO). La Reichsbank rémunérait les producteurs d’armement avec des « bons MEFO », garantis par l’Etat allemand, qu’ils pouvaient escompter à leur tour dans leurs banques contre des marks sonnants et trébuchants.
Ensuite, le gouvernement Hitler força les caisses d’épargne et les banques commerciales à investir jusqu’à 30% de leurs dépôts dans des bons MEFO ! Pour les municipalités, c’était 90%, et des ratios similaires étaient imposés aux caisses d’assurance publiques et privées ! C’est à peu de détails près ce qui vient de se passer cette année avec les preferentes (actions préférentielles) de Bankia en Espagne !
De cette façon « magique », Schacht, a pu contenir l’inflation. La masse monétaire augmenta seulement de 33% entre février 1933 et février 1938. Mais en même temps, de 1934 a 1938, c’est 12 milliards de reichsmarks qui furent créés en bons MEFO (non comptabilisés dans la masse monétaire). L’on peut imaginer quelle aurait été l’inflation si cet argent avait été de l’émission monétaire pure. Se pose alors la question fondamentale : comment cet empire de valeurs papier peut se maintenir puisque la production d’armement, si elle crée de l’emploi pendant un moment, n’engendre en aucune façon des instruments permettant de multiplier la création de richesses futures... ?
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C’est là où, pour obtenir du solide en échange de ce qui s’apparente à de simples jetons qu’on multiplie à bon compte à l’intérieur d’un casino, il faut des hommes armés et une dictature pour les faire accepter à l’extérieur du casino, c’est-a-dire dans le monde réel. C’est bien là que Schacht va appliquer à l’Allemagne une politique d’auto-cannibalisation qui aboutira, par sa logique infernale, aux camps d’extermination des « bouches inutiles » et des populations « en excès » ainsi qu’aux guerres de conquête territoriale dictées pour l’essentiel par le besoin de ressources (or autrichien et tchécoslovaque, charbon polonais, eau lourde norvégienne, etc.), dont le complexe militaro-financier cherchait à s’accaparer.
Bien qu’en septembre 1939, la BRI, se drapant dans la neutralité, cessa d’organiser les rencontres entre banquiers centraux, elle continua, au nom de l’impérative nécessité de préserver la « stabilité financière », de faciliter des transactions de très haut niveau entre des pays en guerre.
Les transferts de l’or autrichien et tchécoslovaque, consentis par la Banque d’Angleterre présidée alors par Montagu Norman, feront scandale. Fallait-il vraiment offrir des facilités financières à Hitler pour préserver la « stabilité financière » ?
Ce n’est qu’à la fin de la seconde Guerre mondiale que l’on « découvre » que l’or fourni par l’Allemagne à la BRI provenait en fait des stocks d’or de la Belgique et des Pays-Bas pillés par les nazis. Ce n’est pas étonnant puisque la BRI était truffée de sympathisants enthousiastes du régime Hitlérien.
Rappelons que c’est à la demande d’Hitler que Schacht redevint président de la Reichsbank en 1933, position qu’il cumulera à partir de 1934 avec celle de ministre de l’Economie. (Ah bon ? je croyais que les ministres n’avaient rien à voir avec le Conseil d’administration de la BRI… )
Jusqu’en 1936, Hitler donna carte blanche à Schacht. Ce dernier démissionna de son ministère en 1937 et de la Reichsbank en 1939, estimant que les dépenses excessives pour l’armement allaient réveiller l’inflation et ruiner les finances allemandes. Schacht restera cependant ministre sans portefeuille jusqu’en 1943. A partir de cette date, toute personne intelligente savait que le régime était condamné et rejoignait éventuellement, comme Schacht, la Résistance. C’est sans doute pour cela que la brochure de 2007 de la BRI exhibe encore fièrement son portrait...
Walter Funk, le ministre de la Propagande d’Hitler en 1933, succéda à Schacht à la tête de la Reichsbank en 1939, et devint également ministre de l’Economie du IIIe Reich en 1938. En tant que banquier central allemand, il siégeait d’office au conseil d’administration de la BRI et le vice-président de la Reichsbank chargé des transferts en or, Emil Puhl en faisait également parti.
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En 1942, Funk conclut un accord avec Himmler, à la tête des SS et un des architectes de la Shoah : les possessions, l’argent, les titres de valeurs, les bijoux et enfin l’or dentaire récupéré sur les Juifs et tous ceux envoyés aux camps de la mort, seraient transmis à la Reichsbank. Cette dernière les revendrait et mettrait l’argent sur un compte spécial portant le nom fictif de « Max Heiliger » [1], permettant l’autofinancement des SS et l’expansion des camps de la mort. Funk et Puhl ont été condamnés par le Tribunal de Nuremberg.
Parmi les autres administrateurs de la BRI de cette époque sombre, mentionnons Hermann Schmitz, le grand patron du cartel de la chimie IG Farben. L’entreprise, productrice du gaz zyklon B employé pour l’élimination des opposants et des races jugées « inférieures », avait des accords juteux avec le cartel pétrolier de la famille Rockefeller, Standard Oil, et exploitait l’usine d’Auschwitz dont le tristement célèbre camp de concentration n’était qu’une annexe. Le banquier et baron Kurt von Schröder, directeur de la Stein Bank de Cologne, la banque de la Gestapo, était lui aussi administrateur de la BRI, comme l’atteste le rapport annuel de la BRI de 1944.
Charles Higham, dans Trading with the ennemy, note que « la BRI était un instrument d’Hitler, mais son existence fut appuyée par la Grande Bretagne, même après que ce pays entra en guerre contre l’Allemagne, et le directeur britannique de la BRI Sir Otto Niemeyer, ainsi que Montagu Norman, restèrent en fonction pendant la guerre ». Pour Higham, la BRI était devenue un « moyen de faire transiter des fonds britanniques et américains vers les coffres d’Hitler ».
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A la dernière session de la conférence de Bretton Woods de 1944, la Norvège proposa officiellement qu’on « liquide au plus vite » la BRI.
La motion fut violemment combattue par l’économiste impérialiste britannique John Maynard Keynes et le département d’Etat américain (plusieurs présidents de la BRI n’étaient-ils pas des Américains… ?).
En face, Henry Morgenthau, le secrétaire au Trésor américain, et Dexter White, le représentant de Franklin Roosevelt, s’opposaient à Keynes sur toute la ligne en soutenant la motion norvégienne, et la résolution finale des accords de Bretton Woods appelle à « la liquidation de la BRI le plus tôt possible ». Malheureusement, Roosevelt mourut en 1945.
Entre-temps, les banquiers recommencèrent leurs grands rendez-vous à Bâle et en 1948, grâce à Harry Truman, la motion fut officiellement révoquée. A nous de finir le travail !
La BRI combien de divisions ?18 personnes siègent au Conseil d’administration (Board of Directors). Par leur vote ils en désignent un président (A l’heure actuel le Français Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, ami intime de Michel Pébereau de BNP Paribas et opposant virulent à tout retour à Glass-Steagall). Le CA est composé de trois types de membres : sont membres ex-officio (de fait) : uniquement les gouverneurs des banques centrales de Belgique, de France, d’Allemagne, d’Italie, du Royaume Uni et (depuis 1994) des Etats-Unis (avant il s’agissait de représentants de grandes banques américaines actionnaires : JP Morgan, First National Bank of New York et First National Bank of Chicago). |
Annexe 1 Charte constitutive
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Annexe 2 Comment, à partir d’une dette, fabriquer une guerreChronologie des réparations allemandes après la 1ère guerre mondiale
1919 : L’article 231 du traité de Versailles déclare l’Allemagne « responsable, pour les avoir causés, de tous les dommages subis par les gouvernements alliés, par suite de la guerre qui leur avait été imposée par son agression ». Cet article constitue la base juridique des réparations imposées à l’Allemagne vaincue. Une Commission des réparations est chargée d’en évaluer le montant, d’en établir les délais de paiement et d’en déterminer la répartitions entre les pays bénéficiaires. En attendant, l’Allemagne devra payer 20 milliards de marks-or avant le 1er mai 1921.
1923 : L’Allemagne confrontée à une grave crise financière déclare qu’elle n’est pas en état de payer les réparations et sollicite un moratoire. Le gouvernement français décide l’occupation militaire de la Ruhr, la plus importante région industrielle allemande, pour obliger l’Allemagne à payer. Cette occupation provoque un profond ressentiment anti-français dans la population allemande. Le gouvernement allemand décrète la « résistance passive » qui se traduit par une grève générale, des attentats, des sabotages, ce qui accélère l’effondrement du mark. Les Alliés américains et britanniques conseillent la modération. Très isolée, la France doit retirer ses troupes de la Ruhr sans contrepartie. |
Bibliographie :
— The Bank for International Settlements, Organisation and history, BIS Archive guide, 2007.
— Statuts de la Banque des règlements internationaux, BRI, Bâle.
— Confessions of the Old Wizard, The Autobiography of Hjalmar Horace Greeley Schacht, Diane Pike, Houghton Mufflin Company, Boston, 1956, The Riverside Press, Cambridge.
— Comment Londres et Wall Street ont mis Hitler au pouvoir, Will Wertz, octobre 2009, solidariteetprogres.org
— VIDEO : Banking with Hitler, Paul Elston, Time Watch, BBC 1998.
— Ruling the World of Money, Edward Jay Epstein, Harper’s, 1983.
— L’or dentaire nazi, Xavier Riaud, histoire-medecine.fr.
— Self financing genocide, Gabor Kadar et Zoltan Vagi, Central European Press, Budapest, Hongrie.
[1] Extrait de l’article l’Or dentaire nazi de Xavier Riaud. « La Reichsbank ouvre un compte spécial au nom de Max Heiliger en 1942, suite à un coup de téléphone du Général SS Frank au vice-président de la Reichsbank, Emil Puhl. Peu de temps après, Albert Thoms doit accuser réception des livraisons des pillages des SS, dont le montant après estimation est crédité sur le compte Max Heiliger qui n’existe pas. Ce n’est qu’un pseudonyme. Avec la débâcle allemande, ce compte est pour une partie attribué au service économique de la NSDAP dirigé par un homme de Bormann, Erich Von Hummel. C’est à la demande de Bormann que Puhl accepte ce transfert, Bormann ayant compris le secret du mystérieux compte début 1944. Le rapport d’interrogatoire de Thoms, daté du 8 mai 1945, explique en détail l’organisation de la Reichsbank : « Le chef de Brigade SS Frank m’a informé que les livraisons se feraient par camions, sous la direction d’un SS nommé Melmer. Je dois lui établir une quittance provisoire pour les caisses livrées. Melmer doit me signaler plus tard, sur quel compte, le montant des objets doit être crédité. A la livraison, les marchandises sont inventoriées et réparties dans les départements correspondants de la Reichsbank. Par la suite, une listevéritable des objets livrés est dressée et une quittance définitive est remise en mains propres à Melmer. Celui-ci m’informe que le montant des livraisons doit être versé sur le compte de Max Heiliger. Je signale la chose par téléphone à Patzer, directeur des comptes au Ministère des Finances, qui valide la transaction, que je confirme à Melmer, le 16/11/1942. Le 26 août 1942, Melmer, vêtu de civil et accompagné de deux sentinelles SS en uniforme, achemine la première livraison : des conteneurs scellés qui sont ouverts au département des métaux précieux de la Reichsbank. Un des premiers signes de l’origine de ces conteneurs est l’estampillage de certaines caisses au nom des camps de concentration de provenance, Lublin et Auschwitz, notamment. La dixième livraison, celle de novembre 1942, inclut pour la première fois de l’or dentaire. Les suivantes en contiennent d’importantes quantités, s’accroissant de manière inhabituelle. Les transports se font généralement la nuit, des bâtiments du WVHA [organisation logistique des SS] à Berlin, vers la Reichsbank berlinoise. »