J’en appelle à vous depuis l’Allemagne, à vous le peuple américain, et à votre Congrès.
Nous sommes directement confrontés, ici même en Europe, à une crise existentielle. Toute la région trans-atlantique est en proie à un effondrement bien pire que celui des années 30. Pourtant, les choix politiques adoptés au cours de cette période demeurent une référence extrêmement importante. Parce qu’aux Etats-Unis, vous avez eu Franklin D. Roosevelt, qui a adopté le Glass-Steagall, la séparation des banques ; il a nommé une commission d’enquête, la Commission Pecora, et mis en oeuvre une politique de crédit, le New Deal, pour reconstruire l’économie du pays de telle manière qu’à la fin de la guerre, les Etats-Unis étaient l’économie la plus forte du monde.
Comme vous le savez, les choses en Europe ont évolué dans une direction complètement opposée : nous avons eu Mussolini en Italie, Franco en Espagne, Pétain en France, puis, en Allemagne, les politiques d’austérité brutales de Brüning, suivi de Hjalmar Schacht et de Hitler, avec les conséquences que vous connaissez.
Malheureusement, la politique de Brüning, c’est-à-dire les coupes drastiques dans le niveau de vie des populations, est celle qu’applique aujourd’hui la Troïka (BCE, FMI et Commission européenne), particulièrement en ce qui concerne ses prescriptions pour le sud de l’Europe. En conséquence, les économies de ces pays sont en plein effondrement, en pleine désintégration. A cause des mesures adoptées, le niveau de vie est en chute libre et l’espérance de vie tronquée. Dans certains pays, le chômage chez les jeunes atteint 60 % ! Le taux de suicide ne cesse d’augmenter.
Il s’agit là de violations des droits de l’homme. C’est la conclusion à laquelle est parvenu le rapporteur des Nations unies, qui vient de visiter la Grèce. De par la nature même de l’euro, une expérience désastreuse, et sous les diktats imposés par la bureaucratie de Bruxelles, les nations européennes ont perdu leur souveraineté. Cependant, la tension monte entre les Européens du sud –peuple grec, Italiens, Espagnols – et les Allemands, car les premiers blâment le peuple allemand pour la politique de Bruxelles et de [la chancelière allemande] Merkel. L’on constate aussi un regain de tension entre la France et l’Allemagne.
C’est une situation très dangereuse. L’un de ces scélérats, responsables de la politique catastrophique de l’euro, l’ancien président de l’Eurogroupe [les pays membres de la zone euro] Jean-Claude Juncker, a même fait le parallèle avec 1913, affirmant qu’il ne serait pas impensable d’envisager une répétition des événements ayant conduit à la Première Guerre mondiale.
A cause de la désunion qui règne en Europe et de la dictature européenne actuelle, il est absolument impossible de changer cette politique. Tant que les pays resteront enfermés dans ce cadre, ils n’auront aucun contrôle sur leur propre politique. De plus, le système parlementaire dominant en Europe rend très difficile pour les citoyens ordinaires d’accéder à leurs députés, car ces derniers sont liés par leur ’’devoir de loyauté’’ envers le parti.
Par contre, vous, aux Etats-Unis, avez un très grand avantage : vous avez le privilège de la Révolution américaine, de la Constitution américaine et d’un système politique qui permet au citoyen lambda de parler à ses élus, députés et sénateurs, et d’entretenir avec eux une relation directe, en leur rappelant qu’ils sont responsables de l’intérêt général de la population. C’est un grand privilège. Nous, en Europe, n’avons plus aucune souveraineté, et il est donc fort improbable qu’une solution vienne d’ici. Prenez donc, je vous en prie, conscience de la fière tradition de la Révolution américaine, de l’héritage de Lincoln, de Franklin D. Roosevelt, de Martin Luther King.
Je fais donc appel à vous pour lancer le plus grand effort que vous ayez jamais fait pour réinstaurer le Glass-Steagall, car si le Congrès américain agit en ce sens, alors les choses changeront très vite, et tous les pays européens suivront. C’est, je crois, la seule chose qui permettra au monde d’échapper à une terrible catastrophe. »
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